Attise-moi - Le Monde de Stark (Jamie et Ryan) #3 - J. Kenner

Attise-moi – Le Monde de Stark (Jamie et Ryan) #3

De l’auteure de best-sellers aux classements du New York Times et USA Today, découvrez une nouvelle histoire de la série Le Monde de Stark (Jamie et Ryan)

Jamie Archer, journaliste spécialisée dans le divertissement, savait que ce ne serait pas facile quand son mari Ryan Hunter, chef de Stark Sécurité, a été envoyé à Londres pour une mission à long terme. La distance est difficile à supporter, mais Jamie fait confiance à l’amour intense et passionné qui a toujours brûlé entre eux. Du moins, jusqu’à ce qu’une femme mystérieuse issue du passé de Ryan débarque sur le pas de sa porte, menaçant par sa seule présence de détruire tout ce qui est cher au cœur de Jamie.

Ryan ne s’attendait pas à revoir un jour Felicia Randall, la femme avec qui il partage un sombre passé et un secret dangereux, la seule femme qu’il ait véritablement laissé tomber.

Désespérée et en fuite, Felicia est venue le supplier de l’aider. Mais Ryan a conscience qu’il n’a pas le choix s’il veut guérir de vieilles blessures. Il sait aussi que la mission mettra en danger la vie de la femme qu’il aime et douloureusement à l’épreuve l’amour profond qui les unit tous les deux.

à paraître

29 Juin

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Excerpt

Prologue

Ryan Hunter regarda la jeune femme qu’on l’avait engagé pour protéger. Elle faisait tourner distraitement la bague en or à son doigt. Il doutait qu’elle soit consciente de son geste. Non, elle était trop absorbée par le paysage qui défilait de l’autre côté de la vitre du train. Le sable au clair de lune. Les montagnes escarpées au-delà. Et le danger qui rôdait dans les ombres projetées par la lune.

— Felicia.

Elle sursauta, puis se tourna vers lui, ses yeux bruns gonflés, injectés de sang. Un sourire contrit se dessina sur ses lèvres alors qu’elle écartait de son visage une mèche de cheveux aussi noirs que la nuit, la boucle foncée contrastant avec sa peau pâle, encore plus maintenant que tout son maquillage s’était estompé après leur évasion.

Elle avait le regard dans le vague et il s’imagina qu’elle voyait les bâtiments détruits par la bombe. Les corps éparpillés dans les rues. Ils étaient peut-être à des kilomètres maintenant, mais il était certain qu’elle pouvait encore les voir. Dieu sait que lui les voyait encore.

Avec un soupir, elle se tourna vers la vitre. 

— Ça a l’air si paisible, dit-elle, son léger accent britannique presque irréel au regard de la dure réalité qui les entourait. J’ai du mal à me rendre compte que c’est un coup d’État. Un véritable coup d’État. Et que nous sommes en plein milieu. 

Elle se mordit la lèvre inférieure, puis baissa le store devant la vitre, coupant la vue.

Pendant un moment, elle resta simplement assise là, à regarder le panneau sombre. Puis elle se tourna vers lui et ses yeux inexpressifs rencontrèrent les siens alors qu’elle demandait, très simplement :

— Allons-nous nous en sortir vivants ?

Elle avait l’air sereine. Comme si les coups d’État militaires et les évasions nocturnes étaient la routine pour elle. Seuls les trémolos de sa voix trahissaient sa terreur.

Il lui prit les mains en envisageant de lui servir toutes les platitudes qu’elle voulait sans doute entendre. Bien sûr, ils allaient s’en sortir. Bien sûr, tout serait parfait. Voilà pourquoi son père avait engagé une entreprise de sécurité. Voilà pourquoi la boîte avait envoyé Ryan. Voilà pourquoi ils agissaient dans l’ombre, furtivement.

Mais il ne dit rien de tout cela. Elle méritait la vérité. Plus encore, elle était assez intelligente pour déjà la connaître.

— Nous allons essayer.

Pendant un moment, elle se blottit contre lui, comme s’il avait vraiment le pouvoir d’assurer sa sécurité. Puis elle dégagea ses mains, croisa les bras sur sa poitrine et glissa les doigts sous ses aisselles, serrant son buste pour se rassurer. Ses frêles épaules se soulevaient et retombaient. Enfin, elle acquiesça lentement, comme si elle absorbait ses paroles. 

— Je m’en veux d’être aussi stupide.

— Tu n’es pas stupide.

Elle pencha la tête, tellement juvénile.

— J’ai suivi un homme que je connaissais à peine dans un pays instable du Moyen-Orient. Un pays qui n’existait peut-être même pas il y a un mois, et qui n’existera plus la semaine prochaine. Si tant est que ce soit encore un pays en ce moment, et pas seulement un trou béant dans le sol.

Ryan retint une grimace. Elle n’avait pas tort. Ils se trouvaient au cœur d’un territoire contesté, encore en paix quelques jours plus tôt, mais grouillant à présent d’activités militantes. Oui, tous les signes d’instabilité dans la région se faisaient sentir depuis le moment où Felicia avait quitté Londres. Un coup d’œil à un journal ou une simple recherche sur Internet lui aurait révélé la nature du conflit et le danger de voyager dans cette partie du globe. Peut-être serait-elle venue quand même, peut-être pas, mais en tout cas, elle n’aurait pas pu faire fi des indicateurs alarmants.

Pourtant, elle n’avait rien fait de tout cela. Elle avait rencontré un homme et elle était tombée amoureuse. Elle l’avait voulu, et Felicia Cartwright avait pour habitude d’obtenir tout ce qu’elle voulait.

Ainsi, quand Mikal Safar l’avait invitée à le rejoindre pour rencontrer sa famille riche et politiquement puissante, elle était partie sans hésitation. Jamais elle ne se serait attendue à ce que des dissidents se soulèvent. Et elle avait encore moins prévu qu’ils assassineraient Mikal et son père, provoquant ainsi une rébellion qui menacerait la vie de tous ceux qui étaient liés, de près ou de loin, au père de Mikal et aux autres chefs de gouvernement.

En toute honnêteté, après avoir lu le dossier de la mission, Ryan avait compris comment Felicia s’était retrouvée mêlée à ce chaos. Felicia avait grandi comme une princesse, non pas royale par le sang, mais par la fortune familiale, assise sur plusieurs générations. Sa mère était morte en couches et Randall Cartwright avait choyé sa petite fille, la couvrant d’amour, d’affection et d’autant de jouets et de luxe que le millionnaire londonien pouvait se le permettre. Ce qui, pour autant que Ryan puisse le dire, signifiait à peu près tout.

Felicia était une enfant gâtée, habituée à n’en faire qu’à sa tête et obstinée comme pas deux. Malgré tout, Ryan l’aimait bien. Cette fille avait du cran, c’était certain, et elle l’intriguait, composée d’arêtes tranchantes et de douceur naturelle. Comme de la barbe à papa enveloppée d’acier.

Comme pour prouver cette impression, elle pencha la tête en le regardant.

— Tu vois ? Tu sais que j’ai raison. Seulement, tu as peur d’admettre que je suis une idiote, parce que tu ne veux pas que papa refuse de payer.

Il ricana, amusé par ce commentaire critique envers elle-même.

— Ton père sait que tu n’es pas une idiote. Mais il sait aussi que tu es impulsive. Et parfois, ça ressemble à la même chose.

— Quoi qu’il en soit, ça revient au même. Je ne devrais pas être là. Je n’aurais pas dû suivre Mikal. Et le jour de sa disparition, j’aurais dû me ruer vers la frontière. Dieu merci, la vieille dame…

Elle s’interrompit, étouffant un sanglot. L’une des domestiques de la maison Safar l’avait prévenue. Si Mikal avait disparu, ce n’était pas parce qu’il avait essayé de s’échapper avant le coup d’État – sans l’emmener, comble de l’irrespect –, mais parce qu’il avait été capturé et décapité. Felicia était toujours sous le choc quand la servante lui avait conseillé de faire son possible pour s’enfuir avant d’être à son tour tuée par les rebelles, ou pire.

Ryan se pencha en avant et passa un doigt sous son menton pour incliner son visage vers lui. Il tenait à croiser ses yeux couleur chocolat. 

— Tu as pris la décision impulsive de suivre un homme qui t’était cher, c’est vrai. Mais c’est une histoire vieille comme le monde. Ne te reproche pas d’avoir sous-estimé les risques. Ce n’est pas ton monde. Tu n’avais aucun point de référence. Et même si tu avais fait attention, même si tu savais que la zone était instable, tu as fait confiance à Mikal.

Elle renifla et acquiesça. 

— Oui. Je sais que je n’aurais probablement pas dû, après tout, je le connaissais depuis trop peu de temps. Pourtant, je l’ai fait.

— Et d’après ce que je sais de lui, c’était un homme honnête. Regarde-moi, exigea-t-il lorsqu’elle baissa les yeux. Tu as eu le courage de faire confiance à cette femme, et tu as immédiatement demandé de l’aide. Tu n’as pas pleuré ni hésité. Malgré ton chagrin, tu as agi.

Elle leva les yeux au ciel.

— J’ai fait ce que je fais toujours. J’ai appelé mon père. Et il t’a appelé. Tu parles d’un courage !

— Ne dénigre pas ta réaction. Ça ne se résume pas à une question de coup de fil, et nous le savons tous les deux.

Les rebelles avaient coupé les réseaux cellulaires et elle avait dû se faufiler dans un immeuble de bureaux occupé pour trouver une ligne fixe. C’était cette initiative, preuve de ruse et de hardiesse, qui faisait dire à Ryan qu’elle pourrait affronter tout ce qui se dresserait en travers de leur chemin pendant cette évasion.

Malheureusement, pour survivre, il ne suffisait pas de ne pas fondre en larmes et de ne pas s’apitoyer sur son sort. Et en tant qu’invitée de Mikal, elle était sur le radar des dissidents. Voilà pourquoi cette mission d’exfiltration s’avérait particulièrement périlleuse.

Il prit une inspiration.

— Tu es intelligente. Tu es ingénieuse. Et tu as fait le bon choix. Ne minimise rien.

— Je suis désolée, tu sais.

— Pourquoi ?

Elle roula des yeux. 

— Tout ça. C’est ma faute si tu es coincé dans ce merdier avec moi.

— Eh bien, c’est mon travail. On pourrait te lâcher la bride, un peu, qu’est-ce que tu en penses ?

Son sourire était hésitant, mais elle hocha la tête. Elle avait une légère couverture, qu’elle remonta sur son chemisier blanc taché.

— Essaye de dormir, dit-il. Nous en avons besoin, tous les deux, et tant que le train roule, nous sommes en sécurité.

— D’accord, dit-elle, ses paupières lourdes tombant déjà. 

Quelques instants plus tard, sa respiration devint régulière et il sut qu’elle avait sombré en dépit de ses craintes. Pas étonnant. Ils étaient en fuite depuis trois jours, cherchant désespérément à atteindre le fleuve – et la frontière qui suivait le tracé de ces eaux profondes et tumultueuses.

Tout ce qu’ils avaient à faire, c’était de franchir le pont, et après le point de contrôle, ils seraient libres de rentrer chez eux.

Le point de contrôle.

Ce serait la partie délicate. Mais il espérait que tout se déroulerait sans encombre. Il devait y arriver, car il n’avait personne à qui faire appel pour le remplacer. Pas maintenant. Il était seul jusqu’à ce qu’il franchisse cette frontière. Pas d’alliés, pas de ressources. Mais une fois le point de contrôle traversé, il serait en mesure de demander de l’aide par radio. Il y aurait alors le transport aérien, des renforts.

Il aurait les moyens de la ramener chez elle en sécurité.

Trois cent cinquante kilomètres.

Ils avaient déjà tant parcouru. Certes, il pourrait l’emmener beaucoup plus loin.

Il se pencha en arrière, ferma les yeux et laissa les vibrations graves du train contre son dos le calmer.

* * *

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.

— On ralentit. Je ne sais pas pourquoi. 

Sa voix tendue semblait en rythme avec le tchac-tchac-tchac du train, un rappel cuisant que même s’ils se déplaçaient, leur destination restait incertaine.

Il s’était réveillé avant Felicia, dès que le rythme des roues sur les rails avait ralenti. Il s’était assis tranquillement, observant le paysage morne, de plus en plus sombre à mesure que la lune se couchait derrière les montagnes au loin. Il reporta son attention sur elle et sourit dans l’espoir de la tranquilliser. Il lui prit la main, son pouce effleurant la bague en or à son doigt. 

— Ça va aller. Je prendrai soin de toi.

Même dans la pénombre, il pouvait voir son cou et ses joues s’empourprer. Elle pinça les lèvres, puis acquiesça. 

— Ryan, dit-elle avant de s’éclaircir la voix. Tu penses que c’est nous ? Ils savent que nous sommes à bord ?

— Je ne sais pas. J’espère que non. Nous approchons sans doute du fleuve.

Dans ce cas, la vitesse réduite était cohérente. Sinon… eh bien, cela pouvait être synonyme de danger.

Il jeta à nouveau un coup d’œil par la vitre, mais il ne pouvait pas voir assez loin. Enfin, la voie ferrée décrivit un virage et sa respiration se fit plus légère, le soulagement déferlant en lui comme l’eau du courant droit devant.

— C’est le fleuve. J’aperçois le pont.

Un sourire éclaira son visage, effaçant temporairement les lignes soucieuses désormais familières qui ne disparaissaient jamais, même quand elle dormait. 

— Alors, nous sommes toujours en sécurité. Et c’est presque fini.

— Presque, confirma-t-il. Mais pas encore.

Il se pencha en avant, prenant ses mains dans les siennes. 

— Il ne faut pas tout gâcher maintenant. Dis-moi. Dis-moi ce que tu leur diras quand nous atteindrons le point de contrôle.

Elle redressa les épaules. 

— Je m’appelle Felicia Cartwright Hunter. Je travaille pour mon père et je suis venue ici pour discuter d’une entreprise commune avec Mikal Safar. Il y avait des rumeurs selon lesquelles nous étions impliqués, mais c’était ridicule.

Elle renifla impérieusement, avec un dédain manifeste. 

— Je n’éprouve aucun intérêt pour le climat politique ici, et certainement pas pour Monsieur Safar. Sinon, pourquoi aurais-je amené mon fiancé ? D’ailleurs, nous nous sommes mariés sur un coup de tête, charmés par le cadre côtier.

Elle se pencha en arrière, relâchant ses mains pour le dévisager.

— C’était bien ?

— Parfait.

Il espérait seulement que ça fonctionnerait. Les étrangers qui entraient dans le pays à des fins récréatives étaient, pour la plupart, autorisés en toute sécurité à traverser le poste de contrôle. La question serait de savoir si leur mariage serait crédible. Voilà pourquoi Ryan, qui n’aurait jamais cru se marier un jour, était désormais l’époux légal d’une femme qu’il connaissait à peine. Une femme dont il divorcerait à l’amiable une fois de retour à Londres.

Il la dévisagea, souriant malgré les circonstances. Elle était jolie et terrifiée. Le soir de leur mariage, ils avaient partagé une chambre et un lit. À la fois parce qu’il ne voulait pas la laisser seule, mais aussi parce qu’ils devaient entretenir l’illusion. Les espions étaient partout, et Felicia était clairement sous surveillance.

Elle était terrorisée et triste, ce soir-là, et il l’avait serrée dans ses bras, l’apaisant et lui promettant de faire son possible pour l’exfiltrer en toute sécurité. Mais ce n’était pas le genre de réconfort qu’elle souhaitait, dont elle avait besoin. Elle s’était recroquevillée contre lui, ses courbes aussi alléchantes que la chaleur de son corps sous la fine nuisette qu’elle portait au lit. Elle lui avait pris la main, puis l’avait pressée au bas de son ventre. Elle n’avait rien dit d’autre que : s’il te plaît.

Il n’en fallait pas plus. Il n’avait pas de petite amie, personne qu’il voyait régulièrement. Mais ce n’était pas un moine. Loin de là. Il avait pris ce qu’elle lui offrait, lui rendant autant qu’il le pouvait. Il voulait qu’elle se sente en sécurité – et même, qu’elle ressente tout court. Ils avaient peur, tous les deux. Ils étaient incertains. Mais au moins, au lit, ils pouvaient oublier.

Cela avait commencé lentement, doucement, mais à la fin, ses ongles lui labouraient le dos et il l’étreignait avec force alors que l’orgasme la traversait.

Après quoi, elle s’était pelotonnée contre lui, l’avait remercié de l’avoir épousée, de la protéger, et même de l’avoir baisée.

Elle s’était endormie ensuite, et il était resté allongé là pendant au moins une heure, les yeux baissés sur la femme qui, pour le moment, était la sienne. Oui, il prendrait soin d’elle comme il se devait. Il avait prêté serment et il prenait ce vœu au sérieux, autant que son serment professionnel. Il la protégerait par sa vie s’il le fallait. Et il ferait le nécessaire pour la faire sortir en toute sécurité de cette zone déchirée par la guerre.

— Est-ce que ça marchera ? demandait-elle maintenant. 

Ses yeux étaient grands ouverts, très sérieux. 

— Vont-ils nous croire ? Il y avait des photos de moi et de Mikal… 

— Je ne sais pas, dit-il en toute sincérité. Mais c’est la meilleure chance que nous ayons.

Ses lèvres frémirent aux commissures et elle cligna des paupières, une larme roulant sur sa joue.

— Je vais bien. C’est promis. Seulement, j’ai peur. Et… enfin, quoi qu’il arrive, au moins je pourrai toujours dire que mon premier mari était un sacré bel homme.

— Et moi, que ma première femme était la plus courageuse que je… putain !

Son juron fut étouffé par le cri de Felicia alors qu’une lumière orange surréaliste emplissait le wagon, accompagnée par la détonation déchirante d’une bombe explosant à proximité.

Ryan se leva, puis tendit la main vers Felicia, pour être brusquement ramené sur son siège lorsque le train eut un soubresaut, accélérant brutalement.

— Nous allons vers la bombe ?

La peur entrelaçait sa voix, ses yeux reflétant sa terreur.

— Nous sommes presque au pont, dit-il d’une voix tendue. 

Il avait tressailli sous l’éclat aveuglant, mais quand il ouvrit les yeux, une lumière persistait encore et il constata qu’ils étaient plus proches du pont qu’il ne l’avait imaginé. Il y avait encore une chance. En supposant qu’ils n’aient pas été pris d’assaut, en supposant que l’explosion ne soit pas une tentative de les faire dérailler – une tentative qui avait échoué. 

— L’équipage veut passer la frontière autant que nous. Ils vont essayer le pont.

— Et risquer de nous faire tuer.

Il secoua la tête. 

— S’ils ne sont pas montés à bord de force, nous pourrions y arriver.

— Vraiment ?

— Je n’en sais rien. Mais le train ne s’est pas complètement arrêté. J’ose espérer que personne ne nous a pris d’assaut. 

Cette éventualité prometteuse fut balayée – au premier sens du terme – par des tirs d’armes automatiques qui criblèrent le plafond. Ryan la projeta au sol, recouvrant son corps avec le sien. Il n’était pas armé, après avoir été fouillé trois fois avant de monter à bord du train. Emporter une arme incognito n’était pas une option. Sur le moment, il avait regretté de ne pas avoir d’alternative. Il le regrettait encore plus, maintenant, alors qu’une douzaine d’hommes en tenue de combat se ruaient vers eux.

— Dégage, lança le plus costaud du groupe, dans un anglais fortement accentué.

Ryan changea de position et leva les mains, révélant sa propre alliance en or. 

— S’il vous plaît, ne faites pas de mal à ma femme. Nous sommes de jeunes mariés. Nous sommes venus ici en vacances ainsi que pour affaires. Nous essayons de rentrer chez nous.

L’homme brandit son fusil, puis le pointa directement sur le torse de Ryan. 

— Dégage, répéta-t-il. Ou ton sang tachera la femme avant qu’on la tue, elle aussi.

Un sourire vicieux apparut sur son visage. 

— Mais d’abord, nous allons en profiter, non ?

Ryan entendit le gémissement de Felicia. Il ne lui fallut pas longtemps pour calculer ses chances. Tout bien considéré, il en avait exactement zéro. Privé de choix, il hocha la tête, espérant que leur chef serait plus raisonnable.

On les emmena dans le wagon suivant, Felicia en tête, les jambes tremblantes. C’était un wagon de marchandises, dont les portes coulissantes étaient déjà ouvertes. La nuit se profilait au-delà du wagon et le fleuve serpentait en contrebas, sombre et menaçant, trop lointain pour que Ryan soit certain d’en réchapper.

Felicia s’arrêta et sa main chercha la sienne. Il la prit, comprenant aussitôt ce qui l’avait arrêtée. Devant eux, il apercevait un groupe de passagers à travers les portes connectant leur wagon au suivant. Et chacun d’entre eux se tordait de douleur, criblé de balles tirées par des agresseurs invisibles. Ils s’étaient effondrés sur le plancher glacial du wagon de marchandises et agonisaient lentement.  

— Mikal Safar, dit l’homme costaud derrière eux alors que Ryan s’approchait de Felicia, la vivacité de ses réflexes professionnels aux prises avec une terreur chaude presque liquide. Cette femme est la sienne, grogna l’homme. Et lui, c’est un moins que rien.

Le fusil du dissident s’enfonça dans le dos de Ryan, le rapprochant de Felicia. 

— Nous allons sauter. Tiens-toi prête.

Le murmure de Ryan était à peine plus qu’un souffle et il espérait qu’elle avait entendu et compris.

Aussitôt, le canon de l’arme le frappa dans le dos, suffisamment fort pour écraser sa colonne vertébrale, alors que les autres hommes autour de lui riaient et chantaient. 

— Et toi, sale porc, tu n’es rien d’autre qu’un sac de viande.

Ryan s’efforça de maîtriser ses tremblements, puis il rassembla ses forces. Cette fraction de seconde sembla durer plusieurs minutes. Il espérait qu’elle comprendrait le risque qu’il prenait, qu’elle savait que c’était le seul moyen. Ils ne survivraient probablement pas à la chute, mais au moins, ils auraient une chance. Au moins, ils choisiraient. S’ils restaient dans le wagon, ils seraient morts en quelques minutes aux mains de ces salauds. Probablement quelques secondes.

Il ne compta même pas jusqu’à trois. Il se jeta sur le côté, attrapant Felicia par le bras alors qu’il les précipitait tous les deux vers la porte ouverte. En même temps, il arracha son corps au canon de l’arme, ses muscles protestant douloureusement contre une manœuvre que même sa formation et ses heures en salle de sport n’auraient pas pu prévoir.

Il sentit la vague d’air frais sur son visage alors qu’ils approchaient de la porte, puis la douleur lancinante et la chaleur liquide du sang qui s’échappait de ses côtes. Il s’était suffisamment contorsionné pour sauver sa colonne vertébrale, mais pas pour échapper à la balle.

Si seulement ils pouvaient franchir cette porte de wagon…

Cette pensée toujours à l’esprit, il fut plaqué sur le plancher rigide et brûlant. Il tenait désespérément le bras de Felicia, mais une botte à pointe métallique le heurta violemment dans les côtes avant de s’écraser sur son poignet, le forçant à lâcher prise.

Elle était étendue à côté de lui, une bulle de sang sur les lèvres, ses mains pressées contre une plaie béante au ventre. Une autre vague de douleur le traversa. Pas physique, cette fois. La douleur de l’échec. La douleur de savoir qu’il avait failli à sa mission.

— Je suis désolée, murmura-t-elle, le mot craquelé et à peine audible faisant écho à ses pensées avec une clarté parfaite. Je n’aurais jamais dû… venir…

Il se débattit, s’efforçant de bouger, mais le monde s’assombrissait autour de lui, son bras hurlant sous la douleur de la lourde botte qui le clouait au sol. Et puis, ce fut son tour de crier, fou d’angoisse, alors que trois des hommes hissaient Felicia sur ses pieds. Elle perdait tant de sang qu’il savait qu’elle ne survivrait jamais à la blessure. À ce stade, pourtant, cela n’avait plus aucune importance. Que ce soit à cause de la plaie ou du fleuve, il savait qu’elle était morte. Sa mission. Sa responsabilité.

Son épouse.

Alors que le nuage gris de l’inconscience l’enveloppait, il les vit pousser la jeune femme hors du train, la précipitant vers le torrent sombre et impitoyable.

Chapitre 1

De nombreuses années plus tard

— Ici Jamie Archer, dis-je après avoir tapoté l’écouteur pour connecter le téléphone, enfoui au fin fond de mon sac à main, de l’autre côté de la pièce.

— Ton nom professionnel ?

Même au téléphone, j’entends la surprise dans la voix de Nikki. Je comprends aussi pourquoi. Après tout, je lui ai dit ce que j’avais en tête ce soir, et le travail n’est clairement pas à l’ordre du jour. 

— Ça veut dire que tu as laissé tomber ton plan ?

Je perçois une note d’espoir et je réprime un froncement de sourcils alors que j’enfile la robe rouge en soie que j’ai achetée pour cette soirée. 

— Certainement pas. Ça signifie que Carson Donnelly et moi, on essaye de se joindre depuis un moment, et que je n’ai pas regardé le nom sur l’écran.

— Laisse-moi deviner. C’est quelqu’un de haut placé à Hollywood.

— Tu entends ce bruit sourd ? C’est moi qui me frappe la tête contre un mur. Honnêtement, Nik, continué-je par-dessus son rire, comme tu es amie avec certaines des plus grandes stars de Los Angeles – sans parler de la journaliste de divertissement la plus en vogue de la ville –, tu dois vraiment faire plus attention à ces choses-là.

En tant qu’épouse du milliardaire Damien Stark, Nikki côtoie le gratin d’absolument toutes les industries, y compris la mienne. Mais à l’exception des projets sur lesquels ses amis travaillent, sa connaissance d’Hollywood se limite à l’époque où Hitchcock faisait tourner Jimmy Stewart dans Sueurs froides.

C’est une lacune impardonnable chez ma meilleure amie, et pourtant j’ai appris à vivre avec.

— Pourquoi veux-tu que je prête attention à ça alors que la journaliste de divertissement la plus en vogue de la ville me dit tout ce que je dois savoir ? Comme, par exemple, qui est ce Carson Donnelly.

— Eh bien, mon innocente amie, ce n’est que le réalisateur le plus célèbre de la ville. Et je l’ai interviewé pour cette émission spéciale que je produis. Figure-toi qu’on s’est plutôt bien entendus, et qu’il envisage sérieusement de lancer une ancienne actrice devenue journaliste de divertissement – initiales JAH, pour info – dans son prochain film.

— Tu plaisantes !

— Absolument pas ! rétorqué-je avant de glousser.

En réalité, c’est un peu pathétique, car je ne suis pas du genre à glousser. 

— J’adore mon boulot, mais le cinéma fait toujours partie de mes préférences. Et tu imagines l’accès que ça me donnerait pour plus d’interviews ?

— Comme si tu avais besoin d’un meilleur accès. Tu es déjà la journaliste de divertissement la plus en vogue de la ville, ce qui signifie que chaque acteur et réalisateur vient frapper à ta porte pour une interview.

— Je suis géniale, pas vrai ?

Je remonte la fermeture éclair de la robe et glisse mes pieds dans des sandales à talons de dix centimètres. Ensuite, je m’examine d’un œil critique dans le miroir en pied. Tout compte fait, je suis bien contente de ce que je vois.

Je me suis réveillée après une longue sieste il y a moins d’une heure, et le gonflement qui s’attardait sous mes yeux s’est enfin estompé. Maintenant, je suis fraîchement lavée, mes cheveux retombent en vagues brillantes et mon maquillage est tellement impeccable que je pourrais passer une audition pour une publicité Maybelline. Le plus important, compte tenu de mon plan pour la soirée, c’est que la robe souligne mes courbes de façon provocante, avec un décolleté assez profond pour assurer un accès facile à ma poitrine et une fente assez haute sur la cuisse pour permettre à toute personne assise à côté de moi d’explorer la partie sud de mon anatomie. En supposant, bien sûr, que je me laisse faire.

Je n’ai jamais pratiqué la fausse modestie, et alors que je virevolte devant le miroir pour m’inspecter sous tous les angles, je peux honnêtement dire que je suis torride. Tant mieux, car la chaleur, c’est exactement ce que je recherche. Je veux qu’il ait le souffle coupé. Je veux être comme un grand verre d’eau dont il a besoin, indispensable à sa survie.

Je frotte mes ongles sur ma poitrine et réalise que je souris. Étant donné que cette journée interminable a commencé sous une tonne d’inquiétudes et de doutes écrasants, je dirais que les événements ont pris une tournure plutôt formidable.

— Allô, Jamie. Ici la Terre.

— Oh ! Désolée.

Je fais la grimace en prenant conscience que mes pensées ont dérivé et que j’ai complètement zappé tout ce que Nikki disait. 

— Qu’est-ce que tu as dit ?

— J’ai convenu que tu étais géniale. Et que dans les circonstances, Ryan te pardonnerait volontiers d’avoir passé sous silence son nom de famille. Même si Jamie Hunter, ça sonne plutôt bien.

— C’est en haut de ma liste, avoué-je.

— Mais je me fais du souci pour toi, James, reprend-elle aussitôt. 

Le fait qu’elle utilise les surnoms que nous nous sommes donnés quand nous étions enfants souligne un peu plus son inquiétude. 

— Tu es sûre que c’est le meilleur plan ? Tu dois admettre que ça va un peu trop loin, même pour toi. Ça pourrait se retourner contre toi, et pas qu’un peu.

— J’ai intérêt à en être sûre, étant donné que j’ai déjà tout mis en œuvre.

— Alors, tu comptes vraiment aller jusqu’au bout.

Ce n’est pas une question. Nikki me connaît mieux que quiconque. Et je suis sûre qu’elle voit bien que ma décision est prise.

— Oui.

Je respire, et ce faisant, je sens mes mamelons nus frotter contre la soie douce alors que ma poitrine monte et s’abaisse. Je pense à mon mari, qui m’a semblé étrangement distant la dernière fois que nous avons discuté.

Ryan Hunter est plus que mon mari. C’est ma vie. Mon âme sœur. Ma moitié. J’avais peut-être peur de la notion de mariage autrefois, mais je n’ai jamais eu peur d’être avec lui. Et je ne me gênerais pas pour refaire le portrait à quiconque essayerait de me l’arracher. 

Tout ça pour dire que je ne peux pas imaginer ma vie sans lui. Plus que ça, je le connais. Quelque chose ne va pas. Et je suis morte de peur que cela ait un rapport avec moi.

— Jamie.

— Je dois faire bouger les choses.

J’ai pris cette décision après notre dernière conversation. Il était distrait, et pas comme d’habitude, quand il s’absorbe dans son travail. Non, il y avait autre chose. Quelque chose qui a fait basculer mon monde tout entier sur son axe. Quand il m’a dit qu’il avait vu quelqu’un qu’il avait connu autrefois… la tension dans sa voix m’a fait un drôle d’effet.

Je ne comprends pas, mais je sais que ça m’a fait peur. Et il en faut pour me faire redouter quoi que ce soit entre Ryan et moi.

À l’autre bout de la ligne, Nikki soupire.

— Si c’était Damien qui agissait bizarrement… commencé-je, laissant ma phrase en suspens pour lui permettre de saisir la balle au bond.

— Nous savons tous les deux quelle serait ma réponse, dit-elle. Bien sûr, je ferais tout mon possible pour comprendre ce qui se passe et y remédier. Seulement, je ne suis pas certaine que ce que tu as prévu soit… oh bon sang, James. Je te demande juste d’être réaliste. Tu es certaine de savoir ce que tu fais ? Je veux dire, il est à l’étranger pour le travail. Il est occupé. Alors, il me semble que…

— J’en suis sûre.

Je hoche la tête, comme pour conforter ma résolution. J’ai un plan, et mon plan est bon. Parce que parfois, on a besoin d’un coup de pouce.

Il y a une pause, pendant laquelle j’imagine ma meilleure amie parcourir tous les arguments possibles dans sa tête. Mais aucun ne doit être suffisamment convaincant, car elle dit : 

— Bon, très bien. Appelle-moi demain. Au moins, envoie-moi un texto pour me dire que tout va bien.

— Ça ira. C’est juré.

— C’est vraiment le mieux que j’obtiendrai de toi ?

— Il faut croire.

J’imagine aisément son exaspération. Son joli visage à la beauté classique doit se plisser avec frustration et elle lève ses yeux bleu-vert au plafond. 

— Bon, je te laisse.

— D’accord, au revoir ! Oh, j’ai oublié de te dire. Devine sur qui je suis tombée devant l’hôtel ?

— Là, techniquement, tu ne me dis rien, proteste Nikki.

— Quoi ?

— Tu as dit que tu avais oublié de me dire quelque chose. Pas que tu allais me le faire deviner. D’ailleurs, je sais déjà. Gabby Anderson. C’est ça ?

— Mais comment tu le sais ?

Gabby Anderson était venue à l’Université du Texas pour des recherches dans le cadre de sa thèse de doctorat. En rapport avec les livres médiévaux. Nikki et moi étions étudiantes de première année à l’époque, et Gabby vivait dans l’appartement au-dessus de la cage à lapins que nous partagions. On avait pris l’habitude de faire la lessive tard le soir, et au fil du temps, on en est venues à boire des verres et à discuter au bord de la piscine en attendant les cycles d’essorage. J’ai été déçue quand elle a déménagé, et même si je voulais vraiment rester en contact, ça ne s’est jamais produit.

— Elle m’a retrouvée, explique Nikki. Et elle a dit qu’elle espérait nous revoir toutes les deux quand elle sera de retour aux États-Unis. Elle est prof à l’UT maintenant, tu le savais ?

— L’Université du Texas est aux États-Unis, souligné-je.

— Très drôle. Je crois qu’elle est à Londres en congé sabbatique, ou quelque chose comme ça. Elle n’a pas été très claire. Quoi qu’il en soit, je lui ai dit que tu étais toi aussi en route pour Londres à ce moment-là, et elle était folle de joie.

— Alors, tu lui as donné mes informations de vol et tu lui as dit où je séjournais.

— Je n’aurais pas dû ?

— Tu plaisantes ? Non, j’ai toujours aimé Gabby. Mais si tu essayes de me déconcentrer pour me détourner du plan, ça n’a pas fonctionné.

Nikki se moque.

— Tu as prévu quelque chose avec elle ?

— Elle voulait aller boire un verre ce soir, mais j’ai mes propres projets, comme tu le sais, et l’après-midi, ce n’était pas possible, parce que j’avais besoin d’une sieste. Le décalage horaire ne me fait pas de cadeaux. Honnêtement, je pense qu’elle aurait eu bien besoin d’une sieste, elle aussi.

— Comment ça ?

— Ce doit être stressant d’enseigner, parce qu’elle était tendue. Je pense qu’elle a besoin de parler à quelqu’un, mais je ne pouvais pas laisser tomber le plan.

— Si, tu pouvais, grommelle Nikki, m’arrachant un grognement narquois.

— Le plan est parfait, rétorqué-je. Il est très bien. Nous avons déjà eu cette conversation, alors laisse tomber. Et Gabby a pris mon téléphone pour y mettre ses coordonnées. Je lui ai promis de lui envoyer un texto demain quand je serai dispo.

— Bon, dis-lui que je la salue.

— Ça marche. Allez, je raccroche maintenant. J’ai quelque part où aller et quelqu’un à me taper.

— James…

— Je t’aime, Nicholas, dis-je en employant moi aussi son surnom, la faisant rire aux éclats.

— Je t’aime aussi, répondit-elle avant de mettre fin à l’appel. 

Pendant un moment, je reste là, à me demander si elle a raison. J’opte peut-être pour une approche complètement fausse. Mais je secoue la tête. Je connais mon mari. Je sais ce qui l’intrigue. Et ce qui le déconcentre. Je sais comment l’allumer et effacer tout le reste de son esprit.

Et je suis certaine que ce que j’ai prévu va fonctionner.

Plus que ça, ce sera très amusant.

* * *

— Est-ce que je te manque ?

Je croise les jambes en m’adossant sur le banc rembourré, la soie fraîche qui le recouvre offrant un contraste saisissant avec la chaleur de ma peau. Une chaleur qui n’a fait qu’augmenter quand j’ai su qu’il était à l’autre bout de cette ligne. Et qu’il pensait aussi à moi.

— Oh, chaton, comment peux-tu me demander ça ?

La voix de Ryan résonne dans ma tête à travers les petits écouteurs, basse et rauque. Je la ressens comme une caresse physique et je presse les cuisses pour réprimer une déferlante de désir.

— J’aimerais que tu me le dises, avoué-je. S’il te plaît, Hunter. Ça fait trop longtemps.

— C’est vrai.

Sa voix est emplie de désir et je ferme les yeux en l’imaginant. Ses cheveux châtains. Ses yeux bleu clair. Et ce corps sec et musclé qui s’adapte parfaitement à mes courbes.

— Mon Dieu, Jamie, dit-il d’une voix qui complète à merveille ma vision de lui. Tu me manques désespérément.

— C’est terrible de ma part, mais je suis contente de te l’entendre dire. La dernière fois qu’on a parlé, tu m’as semblé distrait, et comme tu m’as dit que tu avais revu quelqu’un de ton passé…

— Tiens, tiens, on dirait que ma femme est jalouse.

— Est-ce que ta femme a des raisons de l’être ?

Il y a une infime hésitation, et je jurerais que mon cœur rate un battement. 

— Chaton, comment peux-tu suggérer une chose pareille ? Je suis ici pour travailler, tu le sais. Et ça me tue, crois-moi. Ce que tu entends dans ma voix, c’est l’épuisement. Pas l’infidélité.

Un pincement de culpabilité m’assaille et je rétropédale aussitôt.

— Je ne pensais pas…

L’instant d’après, je m’interromps. Parce que peut-être qu’au fond, je le pensais. Je connais Ryan et je lui fais confiance, mais il y a toujours une partie minuscule, négligeable et profondément enfouie, un soupçon de paranoïa qui m’empêche de croire qu’un homme comme Ryan puisse être passionnément amoureux d’une timbrée comme moi.

— C’est mal si je suis contente que tu sois épuisé ?

Il rit. 

— Avec quelqu’un d’autre que toi, je pourrais être découragé. Mais je connais bien ma femme. Et, chaton, tu me connais aussi. Tu n’étais pas vraiment jalouse, si ?

— Combien de temps dois-tu encore rester à Londres ? demandé-je, esquivant la question.

Il soupire.

— Difficile à dire. C’est un projet pharaonique. Mais on devrait pouvoir conclure cette semaine. Peut-être dans dix jours. On se démène pour y arriver, en tout cas.

— Ça me fait plaisir de l’entendre.

Mon mari, Ryan Hunter, est le chef de Stark Sécurité, l’une des plus récentes divisions de Stark International, avec pour mission d’apporter son aide en cas de besoin, quelle que soit l’ampleur de la tâche.

Mais ce n’est pas pour ça qu’il est à Londres.

Il est au Royaume-Uni parce qu’avant l’existence de Stark Sécurité, il était le chef de la sécurité de Stark International, un empire de plusieurs milliards de dollars. Techniquement, il occupe toujours ce poste. Ce qui signifie qu’à l’exception de Damien Stark lui-même, Ryan est le plus gros bonnet en ce qui concerne toutes les questions de sécurité de la multinationale.

Bien sûr, il n’est plus sur le terrain au quotidien. Stark Sécurité l’occupe bien trop pour cela. Actuellement, il ne s’implique personnellement que dans les cas d’extrême urgence. Il faut croire que les contrôles de sécurité ce mois-ci, à l’occasion de l’inauguration du tout nouvel hôtel Stark Century, à Londres, relèvent de cette catégorie. Sans parler d’une refonte de l’ensemble du système de sécurité aux bureaux londoniens de Stark International.

Avec Baxter Carlyle, son adjoint responsable de la sécurité dans tous les territoires anglophones de Stark International, il est à la tête d’une équipe temporaire basée à Londres pour trois semaines. Évidemment, pour cela, ils bénéficient tous les deux de tout le luxe imaginable. Suites élégantes. Vues incroyables. Excellent service d’étage. Un bar au rez-de-chaussée lambrissé de chêne avec un service d’exception, auquel ils ont un accès illimité.

Ils travaillent dur, certes, mais j’ai le sentiment que l’environnement luxueux n’est pas pour leur déplaire.

Quant à moi, je suis restée à Los Angeles. Le travail. Les responsabilités. Tous ces trucs d’adultes barbants. Au début, je me suis occupée. Et puis, la solitude s’est installée. Suivie du doute, qui s’est insinué après ces quelques coups de fil étranges avec Ryan.

Après quoi…

Eh bien, à un moment donné, il faut savoir passer à l’action.

J’ai donc pris mon téléphone, et le reste appartient à l’histoire. Le plus amusant, ce sera de voir où ça nous mène. Déjà, la voix de Hunter exerce sa magie sur moi, j’en ai des frissons sur la peau, sur les cuisses. Mes tétons sont aussi durs que des cailloux, et je sais qu’il n’en faudra pas beaucoup plus pour m’exciter pour de bon.

Parce que j’ai bien l’intention de monter en puissance…

Plus que cela, j’ai une idée précise de ce que je veux ensuite. Des fantasmes que je souhaite réaliser pendant que mon mari me chuchote des choses à l’oreille. Je m’humecte les lèvres et me lève du banc rembourré tout en continuant notre conversation, baissant la voix afin de transmettre toute la chaleur que je ressens. 

— Tu me manques désespérément… Qu’entends-tu par désespérément ? Et s’il te plaît, sois très, très précis.

Son petit rire se réverbère dans tout mon corps, se propageant jusqu’à mon entrejambe.

— Attention, chaton. Je suis en public. Au bar de l’hôtel.

— Quelle coïncidence, dis-je en m’avançant sur le sol carrelé, croisant des hommes et des femmes tous habillés sur leur trente-et-un, prêts pour la soirée. Je suis aussi dans un hôtel.

— Tu ne travailles pas ?

J’entends la perplexité dans sa voix. 

— Je croyais que tu travaillais au montage de tes vidéos cette semaine.

C’est une bonne question. Depuis un certain temps, je consacre des heures et des heures à filmer et produire une série d’interviews de célébrités, diffusées dans diverses émissions d’information et de divertissement sous l’égide de Hardline Entertainment, la société du magnat hollywoodien, Matthew Holt. C’est un secret de polichinelle qu’il possède un club libertin très sélect et il est connu dans la ville comme un homme à femmes, mais il a toujours été correct envers moi. En fait, il est tellement correct qu’il a co-produit une émission spéciale de deux heures qui s’est hissée sur le podium des trois meilleurs succès au box-office l’année dernière – dans laquelle j’interviewais audacieusement des acteurs et réalisateurs, pour une formule couronnée de succès.

C’était un excellent projet et non seulement Matthew s’est comporté en gentleman, mais il a même été très encourageant. Et il respecte absolument Ryan. Parfois, je me demande si sa réputation d’homme à femmes, surtout dans le contexte actuel de me too, n’est pas plutôt une sorte de façade fabriquée.

Cela dit, Ryan serait tout à fait capable de tuer un homme à mains nues, et c’est le meilleur ami de Damien Stark. Alors, peut-être que Holt tient juste à se montrer sous son meilleur jour avec moi.

De toute façon, ce boulot est formidable et je l’adore. Bien sûr, j’aimerais décrocher le rôle dont je parlais à Nikki, mais après avoir connu différents types d’emploi à Hollywood, j’ai finalement l’impression d’avoir trouvé ma vocation. Quoi qu’il arrive avec le projet Carson, ça me va. En quelque sorte, on peut dire que Holt est comme un « parrain la bonne fée » au physique de dieu grec.

Je reporte mon attention sur notre conversation téléphonique.

— Je t’ai dit qu’on avait terminé la première partie de la spéciale, dis-je pour lui expliquer pourquoi je ne suis pas dans une cabine de montage.

Certes, il y a encore beaucoup de travail à faire. Mais comme, techniquement, ce que je dis est vrai à cent pour cent, je n’ai pas à me sentir coupable de mentir à mon mari. 

— Et voilà pourquoi, ajouté-je avec une intonation sensuelle, j’ai décidé d’aller dans un hôtel et de t’appeler.

— Jusqu’à présent, j’approuve ton plan.

— Vraiment ? Tant mieux. Mais il y a plus… 

Je laisse mes paroles en suspens.

— Ah, oui ?

— Tu vois, le truc, c’est que je me sens particulièrement coquine ce soir.

— Comme c’est intéressant.

Il y a une note d’humour et une chaleur indéniable dans sa voix. Une chaleur qui ne laisse pas mes sens indifférents.

Je passe la langue sur mes lèvres, réprimant l’envie d’empoigner ma poitrine pour en caresser les mamelons sensibles. Je suis en public, après tout. 

— Eh bien, je me demandais…

Je marque une pause en atteignant les piliers de marbre à l’entrée du bar lambrissé. Je m’y appuie tout en balayant les clients du regard, dont beaucoup me tournent le dos. Mon corps vibre de désir. J’ai envie de sentir des mains sur moi. Des lèvres. De la chaleur, de la passion.

En un mot, j’ai envie de Ryan. Mais pour l’heure, il n’est pas à mes côtés.

— En fait, il y a des gens très intéressants ici. De superbes femmes. Des hommes vraiment magnifiques. 

Les hommes dans ce bar sont exactement le genre de délices que je me serais offerts sans compter dans ma période pré-Ryan, quand j’étais une authentique rebelle. Nikki appelait ça des encoches sur ma tête de lit, non sans une certaine inquiétude. Une inquiétude que j’ignorais royalement, à l’époque. Et, pour être honnête, que j’ignore tout autant ce soir.

— Tu m’intrigues.

Je devine la question de Ryan avant même qu’il la pose. 

— À quel jeu est-ce qu’on joue, chaton ?

Je m’humecte les lèvres en songeant à l’écouteur et au minuscule micro, bien cachés sous mes cheveux. 

— Et si j’en séduisais un ?

Je fais un pas dans la salle, et là, je le vois. Le seul homme qui fait de l’ombre à tous les autres clients. Il est assis au bar et me tourne le dos, de sorte que je ne puisse pas voir son visage. Mais sa posture témoigne de son assurance. Ses cheveux noirs coupés court sont épais. J’ai envie d’y passer les doigts, imaginant à quel point ils seraient doux sur ma peau. Je distingue seulement sa mâchoire sous un certain angle. Elle est carrée, avec un soupçon de barbe de fin de journée. Je ferme les yeux en imaginant cette sensation rugueuse à l’intérieur de mes cuisses et je gémis tout bas.

— C’est vraiment ce que tu veux ?

Sa voix est tendue, mais parfaitement claire.

— Ça ne te dérange pas ?

Je me mords la lèvre inférieure, surprise par la vitesse de mes battements de cœur. Je suis très nerveuse. Et je crains qu’il me dise non.

— Tu as toujours dit que tu aimais mon côté indomptable.

— Oui, répond-il. Alors, tu as choisi un homme ?

— Oui.

Je soupire avec soulagement et mes épaules se détendent. Jusque-là, je n’en avais pas pris conscience, mais je craignais qu’il me refuse mon fantasme ce soir.

— Alors, je pense que tu dois le faire, chaton.

Je referme les dents sur ma lèvre inférieure et la chaleur s’accumule entre mes cuisses quand je fais un pas vers l’homme assis au bar. 

— Tu en es sûr ? demandé-je à mon mari.

— T’ai-je déjà refusé quoi que ce soit ?

— Jamais.

Je prends alors une inspiration excitée en m’approchant de l’homme au bar. Il se redresse sur son siège, comme s’il savait que j’étais là. Quand je me glisse sur le tabouret vide à côté de lui, il se tourne juste assez pour me faire face. Ses yeux sont aussi bleus que je les imaginais, et pendant un instant, il me regarde, tout simplement, enveloppant tout mon corps, le bleu glacial laissant une traînée de chaleur dans son sillage.

Je me racle la gorge. 

— Ce siège n’est pas pris, je présume ?

Il esquisse un demi-sourire.

— Ça changerait quelque chose si je vous disais que c’est le cas ?

— Non. Vous m’offrez un verre ?

Une fraction de seconde. Puis une autre. Il est concentré sur mes lèvres, mais à présent, il lève la tête et pose sa main sur ma cuisse, juste au-dessus de mon genou. Ce contact m’envoie une décharge de désir et je dois réprimer un gémissement. Je suis déjà détrempée et excitée comme jamais. À ce moment précis, je me rends compte que j’ai absolument besoin de cette nuit. De cette aventure.

Ses yeux se fixent sur les miens. 

— Et si je faisais monter une bouteille dans ma chambre ?

— Oh.

C’était plus rapide que prévu – j’aime le jeu de séduction –, mais je ne peux pas dire que je sois déçue. Déjà, j’imagine ses mains sur ma peau, ma robe en lambeaux sur le sol.

Pourtant, je ne veux pas paraître trop impatiente. Je vois son téléphone sur le bois verni, à côté d’un verre presque vide, l’écran face vers le bas. 

— Vous étiez en communication ? demandé-je en attrapant son verre, avalant la dernière gorgée de scotch avec des restes de glaçons.

— Plus maintenant. J’ai comme l’impression que vous allez exiger toute mon attention.

Il range le téléphone dans la poche intérieure de son costume Brioni sur mesure, puis descend du tabouret et tend la main vers moi. Je quitte mon siège à mon tour et ma robe remonte, la fente dévoilant une bonne partie de ma cuisse. Et peut-être même un bref aperçu de mon string rouge.

Il fait signe au barman, puis pose la main au bas de mon dos, dénudé par la robe. J’étouffe un gémissement, instantanément inondée de chaleur. J’aimerais dire quelque chose dans le micro, chuchoter à Hunter que mon entrejambe palpite et que ma culotte est déjà trempée. Mais ce n’est pas possible, je risquerais de gâcher cet instant. Alors, je garde le silence, envahie par une vague brûlante, une ivresse de liberté.

Les ascenseurs sont de l’autre côté du vaste hall, et quand nous y arrivons, j’ai les jambes faibles. À en juger par son regard sur moi, je ne suis pas la seule à éprouver une envie folle. Il n’y a personne d’autre alentour. Quand les portes s’ouvrent, il entre et fait glisser la carte magnétique de sa chambre devant le panneau de commande, puis il m’attire brutalement à lui. Je tombe, ma poitrine pressée contre la sienne, ferme et musclée, alors que les portes coulissent. Il enfonce le bouton du trente-huitième étage.

— Vous devez avoir une belle vue, dis-je.

Sa bouche se crispe en un sourire tandis que ses yeux me toisent de haut en bas. 

— En effet.

Il sort son téléphone de la poche de sa veste, effleure plusieurs fois l’écran, puis le range.

— Qu’êtes-vous…

Aussitôt, il pose un doigt contre mes lèvres. 

— Oui. Ma chambre a une belle vue.

Il s’approche, puis passe la main derrière moi et retrousse ma robe, exposant mes fesses. Je prends une vive inspiration et, instinctivement, mes yeux s’envolent vers le petit globe de métal et de verre fixé dans le coin supérieur de l’ascenseur. Une caméra de sécurité.

— Mais… commencé-je.

— Non. Il n’y a pas de mais. On ne proteste pas. N’oubliez pas que c’est vous qui m’avez abordé. 

Ses mains sont sur mes épaules et font lentement glisser les fines bretelles le long de mes bras.

— C’est ce que vous voulez…

Lorsqu’il s’arrête, le décolleté de ma robe couvre à peine mes mamelons.

— À moins que je me trompe ?

J’inspire, puis expire lentement. Je jette un coup d’œil à la caméra, mais je m’efforce de me raisonner. Tant pis, j’en ai trop envie.

— Dites-moi, insiste-t-il.

Ma bouche est sèche et ma peau picote, comme si je m’étais trop approchée d’un brasier. 

— Non, dis-je enfin.

Il incline la tête sur le côté, puis arque un sourcil. Ses mains sur ma robe, cependant, ne bougent pas. 

— Non à quoi ?

Je passe la langue sur mes lèvres. 

— Vous ne vous trompez pas.

Il ne dit rien, se contente de reculer d’un pas, dégageant ma robe qui effleure alors mes hanches et termine sa chute sur le sol de l’ascenseur, me laissant nue à l’exception du string minuscule. Je laisse aussi tomber mon sac à main, puis j’inspire à nouveau. Mon cœur bat si fort qu’il l’entend certainement. Mais ce n’est pas de la peur. C’est une envie intense, irrépressible et insensée. Une passion aveugle qui me traverse, contractant douloureusement mes tétons et faisant palpiter mon sexe dans une supplication silencieuse et éperdue.

— Enlevez-le, ordonne-t-il.

Je fais ce qu’il me demande, laissant glisser mon string sur le sol, une main sur la rampe pour rester en équilibre le temps de reposer mon talon.

Il tend la main et je lui remets le petit bout de satin rouge. Il le porte à son visage et, sans me quitter des yeux, inspire profondément avant de glisser la culotte dans la poche de son pantalon. Puis il s’adosse contre la cloison et me regarde lentement, de haut en bas.

— Comme je le disais, la vue de ma chambre est belle. Mais là, c’est beaucoup mieux.

Il traverse la cabine, me rejoignant en une seule foulée. Son pouce effleure mon mamelon et je tremble, puis je halète lorsqu’il me repousse contre le mur. Une main sur ma nuque, il me maintient en place tandis que l’autre s’aventure entre mes jambes.

L’instant d’après, sa bouche se ferme sur la mienne, nos dents s’entrechoquent et nos langues se mêlent avec ardeur. Il est fougueux, exigeant, et je ferme les yeux en songeant à la passion de Hunter avec moi, quand nous sommes tous les deux à la maison. Plein de fougue et d’audace. Un homme qui prend ce qu’il veut tout en me donnant ce dont j’ai envie.

Je recule, saisie d’un tremblement satisfait. Comme à la maison, pensé-je. Et à la fois, si différent, si décadent.

— Tu es tellement torride, dit-il en interrompant le baiser. 

Puis il s’écarte et je gémis en signe de protestation, pour ravaler mes objections lorsqu’il actionne le bouton d’arrêt d’urgence sur le panneau de commande.

Je m’attends à la sonnerie d’une alarme, mais il n’y a aucun bruit, à l’exception de ses paroles graves et déterminées.

— Je dois te prendre. Tout de suite.

Je me contente de hocher la tête. En lieu et place d’une alarme, le seul bruit qui retentit dans la cabine de l’ascenseur, c’est le grattement métallique de sa fermeture éclair. Son sexe est dur comme le roc, aussi parfait que dans mon imagination. Je sens mon corps se contracter au rythme du seul mot qui tourne en boucle dans ma tête : oui, oui, oui !

Il n’hésite pas. Il n’y a rien d’incertain ni de gauche chez cet homme. Au contraire, franchissant la distance qui nous sépare, il pose un doigt effronté sur ma vulve.

— Tu es mouillée, constate-t-il. Bon Dieu, détrempée, même.

— Je ne vois vraiment pas pourquoi, rétorqué-je. 

Ou du moins, j’essaye. J’avale la moitié des mots alors qu’il enfonce deux doigts en moi.

— Encore, dis-je, mais il secoue la tête sans cesser de me toucher.

— Je…

Je ne termine pas ma phrase, car maintenant, ses mains sont sur ma taille et il me soulève, ses bras puissants me clouant contre le mur. Par réflexe, j’enroule mes jambes autour de lui, et alors que ses mains descendent pour m’agripper le bassin, sa verge d’acier se presse contre moi. Je gémis, impatiente de le sentir, mon corps éperdu de désir. J’ai envie de lui, besoin de lui.

Je me cambre, cherchant un contact plus intense et plus profond. Aussitôt, il avance les hanches et je me retrouve empalée. Il me remplit tout entière et je réprime un sanglot de plaisir inattendu. Une infime douleur me traverse, rapidement apaisée par le rythme familier d’une baise sauvage et rapide.

— C’est ça, dit-il en accélérant. Oh, mon Dieu, tu es tellement incroyable.

Mes paroles sont moins cohérentes, en comparaison. Mes omoplates sont contre le mur et je suis maintenue en place par sa main sur mes fesses et la rigidité de son membre. Son autre main ne m’offre aucun soutien. Au contraire. Ses doigts attisent mon clitoris, me manipulant avec une telle habileté que je suis sur le point de lui échapper, propulsée jusque dans l’espace.

— Allez, fait-il avec insistance. Regarde-moi, ma belle. Je veux voir ces beaux yeux. Je veux te voir quand tu exploseras. Allez, reprend-il, sa voix à l’état brut, à l’image de notre corps-à-corps. Jouis pour moi maintenant. Jouis avec moi maintenant.

Oh, mon Dieu, c’est exactement ce que je fais. Je sens la puissance de son orgasme, une explosion à l’intérieur de moi qui m’envoie par-dessus bord. Pas de culpabilité. Pas de honte. L’ascenseur, l’hôtel, le monde entier disparaissent dans une tempête de feu et de glace que je ne veux plus jamais quitter. Pendant ce qui me semble durer des heures, je tremble dans ses bras et il me serre fermement jusqu’à ce qu’enfin, au bout d’un moment, nous glissions au sol et nous nous pelotonnions, face à face.

— Bonsoir, chaton, dit Ryan.

— Salut, Hunter.

Je prends une grande inspiration, comblée, pendant que mon mari me caresse les cheveux. 

— Tu m’as tellement manqué.

— Alors, tu es venue jusqu’à Londres ?

— Oui. J’ai pris mon téléphone sur un coup de tête pour réserver un vol.

J’empoigne son sexe avant d’ajouter :

— Je ne voulais plus me contenter de fantasmer.

Il ricane.

— Et pourtant, tu as tenu à continuer le fantasme.

— Oui. Je te remercie d’avoir joué le jeu. C’était délicieusement coquin.

Je soupire, satisfaite, puis je plisse les yeux quand une question me vient à l’esprit. 

— Comment savais-tu que c’était moi ? Quand je suis arrivée derrière toi, au bar. Tu savais que j’étais là. Comment ?

— Tu as oublié pourquoi je suis à l’hôtel ? Je reçois les vidéos de sécurité de l’hôtel en temps réel sur mon téléphone. Je t’ai vue entrer.

— Oh.

Je passe la langue sur mes lèvres, séduite par l’idée qu’il ait continué malgré tout, même s’il m’avait vue.

— Je t’aime, lui dis-je.

— Tu sais à quel point ces mots sont magiques ? Je t’aime aussi, chaton.

Il incline la tête et prend mon menton entre son pouce et son index. 

— Personne d’autre que moi, Jamie. Jamais.

— Jamais.

Je suis tout à fait d’accord.

— Tu es tout ce que je veux. Absolument tout. Sauf que…

Son front se plisse. 

— Sauf que ?

Je réponds avec un sourire espiègle. 

— Sauf qu’en ce moment, j’en veux plus. On peut aller dans ta chambre ?

Il sort son téléphone. 

— Rhabille-toi, bébé, et je rallumerai les caméras et les contrôles de sécurité.

— Et ensuite ?

— Ensuite, je te déshabillerai à nouveau, je t’attacherai au lit et je passerai le reste de la nuit à baiser ma femme pleine de surprises. Si ça lui convient, naturellement.

— Naturellement, dis-je avec un immense sourire, m’empressant d’enfiler ma robe. C’est parfait.

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